Bulle de filtres

Vive les filtres ! Mais choisissons-les.

C’est la nouvelle antienne : Internet nous enferme dans une bulle informationnelle. Parce que nous nous informons de plus en plus via ce que nos « amis » postent sur Facebook, via ce que Facebook sélectionne pour le placer dans notre fil d’actualité, via ce que les gens que nous suivons sur Twitter tweetent ou retweetent etc. Bref, les « gate keepers » traditionnels que sont les médias et autres autorités perdent du terrain en faveur de processus plus horizontaux, qui mêlent le relationnel et l’algorithmique. Tout cela est indéniable. Il suffit de considérer l’évolution de Page Rank, l’algorithme du moteur de recherche de Google, pour constater que d’un modèle qui s’alignait sur celui du classement des revues scientifiques (l’article qui arrive en tête du référencement est celui qui est cité par le plus grand nombre d’articles eux-mêmes bien référencés), on est passé à un modèle de plus en personnalisé qui intègre d’autres paramètres comme le lieu géographique depuis lequel est effectuée la recherche, les recherches précédentes etc. D’où la dénonciation d’un Internet qui nous ne ramènerait qu’au même, qu’au proche, qu’à ce que nous connaissons, qu’à ce qu’on nous prête comme goût… Mais est-ce pour autant un drame ? D’abord, la déploration d’une époque révolue où l’information était plus sérendipitaire serait à tempérer. Certes, il fut un temps où le Web était moins dirigiste, mais qui le fréquentait ? Beaucoup moins de gens. Et ceux qui le fréquentaient – une avant-garde éclairée faite d’ingénieurs, d’universitaires et de curieux de tout poil – n’avaient sans doute pas besoin de lui pour varier leurs sources d’information. Le reste, dans sa grande majorité, regardait la télé, écoutait de temps en temps la radio et lisait son quotidien local, sans avoir accès à beaucoup d’autres sources d’information. Est-ce que c’était mieux ? Pas sûr. L’Internet d’aujourd’hui, même en voie de personnalisation, offre un éventail de sources inédit dans l’Histoire. Et puis, est-ce que l’information nous est jamais arrivée d’elle-même ? Sans filtres ? Dans sa pureté originelle et sa magnifique pluralité ? N’y a-t-il pas eu des familles où on a lu Ouest-France – et que Ouest- France – pendant des générations ? D’autres où ce fut le combo France Inter-Télérama ? Le regret d’une information qui nous serait arrivée sans être sélectionnée, triée, transformée est sans doute celui d’une période qui n’a jamais existé. Et puis il ne faut pas négliger l’immense confort de ces filtres. Parce que nous ne pouvons pas tout voir, et que nous ne voulons pas tout voir. Comme l’explique le sociologue Dominique Cardon, nous serions sans doute étonnés si on nous mettait face à ce que nous lisons vraiment dans un journal. Et l’information qui nous arrive aujourd’hui subit toute une succession de filtres parmi lesquels il est bien possible qu’Internet et les algorithmes arrivent bien derrière ceux qui sont installés depuis bien longtemps et que les réseaux sociaux n’effacent d’ailleurs pas : socio-économiques, générationnels, culturels… Néanmoins, il y a une différence essentielle, c’est la nature de ces nouveaux filtres. Ils sont algorithmiques, très souvent secrets, et à but marketing. Que ce soit pour nous garder plus longtemps dans la plateforme ou pour mieux cibler la publicité, ces filtres obéissent à une logique qui est, dans les faits, très économique – et donc politique. Et ce qu’on peut regretter, c’est que cette dénonciation des filtres et de la sélection de l’information se fasse plus dans une défense philosophique – et presque poétique – d’une période où nous avions tout notre libre-arbitre et nous flânions dans l’immensité de la Babel informationnelle, qu’avec des arguments plus politiques et pragmatiques. Pour le dire autrement, on pourrait exiger de choisir nos filtres, on pourrait exiger de connaître exactement la nature de ceux qui nous sont imposés et d’avoir la possibilité d’en choisir d’autres. Demander que ce soit exposés les algorithmes, qu’ils soient expliqués, traduits. On pourrait demander à ce qu’ils puissent être adaptés, pourquoi pas personnalisés (au lieu que ce soit, comme aujourd’hui, les algorithmes qui personnalisent). Ne pas personnaliser l’information donc, mais la manière dont elle arrive. Le problème est moins la quête d’un libre-arbitre impossible que l’identification – et donc un début de maîtrise – de ce qui y fait obstacle. Xavier de La Porte – Rédacteur en chef de Rue89

Eli Pariser nous met en garde contre « les bulles de filtres » en ligne

Alors que les compagnies internet s’efforcent d’ajuster leurs services à nos goûts personnels (y compris l’actualité et les résultats de recherche), une dangereuse conséquence, involontaire, émerge : nous nous retrouvons piégés dans une « bulle de filtres » et ne nous trouvons pas exposés à l’information qui pourrait remettre en question ou élargir notre perception du monde. Eli Pariser argumente avec force qu’au final cela s’avérera mauvais pour nous et pour la démocratie.

Non, les réseaux sociaux ne nous enferment pas dans une « bulle »

Les réseaux sociaux nous confrontent-ils à la diversité des opinions, ou nous enferment-ils dans une bulle d’amis et de gens qui pensent comme nous ? Alors que les travaux récents ont surtout souligné le second phénomène, une étude de Pablo Barberá, doctorant en science politique à l’université de New York montre le contraire.

Comment Google modifie les frontières selon le pays de connexion

Vous pensiez obtenir des données objectives lors de vos recherches sur Google ? Détrompez-vous ! Dans de nombreux cas, Google s’adapte au contexte politique, et donne au lecteur ce qui est conforme à la vision de son pays.

Recherche confiance désespérément – Meta-media #7

A l’heure du tout Internet ubiquitaire, de la parcellisation du journalisme et des médias, d’un public de plus en plus coproducteur, les promesses des débuts du web, lieu de partage, d’innovations et d’ouverture au monde, doivent être rappelées. Que les données, matières premières de l’ère de l’information, soient utilisées pour mieux servir le public. Et que soit étendue au numérique la relation de confiance placée jusqu’ici dans son expérience TV. La confiance est bien au coeur de la mission du service public audiovisuel.

Netflix, démolisseur de l’exception culturelle

L’arrivée de Netflix en France marquera un tournant dans l’histoire de l’audiovisuel français, et interroge de fait la fonction démocratique des médias. Une firme dont le modèle économique s’appuie sur un algorithme pose des questions nouvelles d’ordre démocratique aux entreprises médiatiques. D’abord, travailler à partir d’un algorithme revient à accorder une place centrale à la donnée. En échange de 8 dollars par mois, via son algorithme, Netflix extrait des milliers de données, chaque semaine, de ses 45 millions d’abonnés.

Au bout de la personnalisation du web : paradis ou enfer ?

Cet été, les algorithmes de recommandation en ligne ont fait couler beaucoup d’encre. Alors que Facebook s’est trouvé victime d’un bad buzz à cause de révélations sur la façon dont fonctionnent les siens, les voix se multiplient pour interroger ces intelligences artificielles qui influencent nos choix sur le web, et souligner notre ambivalence vis-à-vis d’elles – entre coopération enthousiaste et méfiance inquiète.

Place de la toile – Politique de l’algorithme

Les algorithmes ont accru leur place dans nos vies. Ce sont eux qui classent les informations qui nous arrivent, qui nous font des recommandations, ce sont eux qui nous mettent en contact avec d’autres personnes. Mais les algorithmes peuvent aussi identifier des contenus, des comportements, des individus. décrire, repérer, alerter, agir parfois. Qu’y a-t-il d’autre que les mathématiques dans les algorithmes ?

« Tu déconnes, Mark… »

Le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, projette de lancer un concept de « journal quotidien personnalisé » triant l’information en fonction du « profil » de chacun. Un danger pour la démocratie, plaide Christophe Agnus, journaliste et consultant spécialiste de la presse numérique.

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